En France, l’été au mois de mai !

La France a battu son record de la plus longue série de journées le plus chaudes, avec près de 40 jours consécutifs au-dessus des normales de saison et des records de chaleurs pour un mois de mai. Témoignage de cette situation, on recense 76 zones en état d’alerte sécheresse sur toute la France, dont 26 en « alerte renforcée », et des départs de feux de plus en plus réguliers. Dans le même temps, de l’autre côté de la planète, l’Inde fait face à des chaleurs extraordinaires avec près de 50°C mesurés.

Crédit : geralt – Pixabay

Le risque de sécheresse en France

Cette situation s’explique par un hiver plus sec que les années précédentes et des records de chaleur au mois de mai (on a recensé de 28 à 35 degrés au plus chaud de la journée) qui assèchent les sols et incitent la population à utiliser plus d’eau. Les nappes phréatiques n’ayant pas eu le temps de se reconstituer cet hiver, la France risque de faire face à une pénurie d’eau et se voit obliger de prendre des mesures face à la sécheresse. De fait, les régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Pays-de-la-Loire ou encore Centre-Val-de-Loire sont particulièrement touchées par le manque d’eau et font l’objet de restrictions très précoces (interdiction d’arroser son jardin, de laver sa voiture ou de remplir sa piscine). D’après le Ministère de la Transition Écologique, de nombreux départements pourraient faire face à d’importantes sécheresses d’ici la fin de l’été 2022. Retrouvez la carte des départements concernés en cliquant ici.

Les manifestations du dérèglement climatique

Cet épisode, particulier par sa précocité et son importance, fait écho au changement climatique. D’après Météo France, ce dernier se manifeste surtout par une augmentation et une intensification des phénomènes météorologiques. Le monde devrait donc être confronté à des vagues de chaleurs de plus en plus fréquentes et intenses, à des épisodes de pluie plus marqués (notamment sur les régions méditerranéennes) et à des tempêtes plus régulièrement. Le tout étant accompagné d’une montée des températures moyennes, donc d’une diminution du gel et de l’enneigement.

Pour la France, dans les scénarios portant jusqu’à 2100, plusieurs hypothèses sont abordées :

  • Augmentation de la température moyenne de 3,9°C rendant des canicules plus régulières et intenses. On constaterait une différence de 1°C entre le Nord et le Sud. Les littoraux seraient particulièrement touchées avec des sécheresses tous les étés
  • Un enneigement des massifs très limité, voire inexistant pour les altitudes les plus basses
  • Des épisodes de pluie plus intenses en hiver mais inégalement répartis sur le territoire

Ces évolutions entraineront de fait des modifications sur les modes de vie, les productions et le choix des installations.

Les infrastructures réseaux à l’épreuve du changement climatique

Si le changement climatique va venir impacter le mode de vie des français à plus ou moins long terme, il est nécessaire de s’interroger dès aujourd’hui sur la capacité des infrastructures réseaux à résister à ces changements. On entend par « infrastructures réseaux » les routes, voies de chemin de fer, lignes électriques, téléphoniques, réseaux de gaz, d’eau ou encore d’accès internet.

Si ces risques sont censés être couverts par les entreprises en charge de ces réseaux, les collectivités territoriales se doivent de suivre les évolutions pour s’assurer que des mesures sont effectivement prises. Il en va de la responsabilité des décideurs publics locaux de s’assurer que leur territoire est desservi et accessible. La situation dans laquelle se sont retrouvées des communes des Alpes Maritimes lors de la tempête Alex (2021), complètement isolées et parfois sans électricité, doit mobiliser les élus et les acteurs locaux sur le renforcement et les solutions alternatives aux réseaux. D’autant plus dans une situation où les réseaux sont de plus en plus interdépendants et connectés entre eux.

L’augmentation de la température, des inondations liées aux fortes pluies ou encore des glissements de terrains vont entraîner des risques sur l’ensemble des réseaux. En effet, la chaleur est source de de surchauffe, voire d’incendie, sur les composants des réseaux électriques. Ce qui peut entrainer des interruptions dans la distribution d’électricité. Elle est également à l’origine d’une accélération de la dilatation des rails et d’une dégradation des systèmes de climatisation. Les travaux de maintenance des réseaux sont également ralentis par la hausse des températures pour préserver la santé des opérateurs. Les inondations, et les glissements de terrains qui en découlent, augmentent le risque de coupures physiques des installations réseaux.

Face à cette situation, les acteurs sont obligés de se préparer pour réagir aux crises et essayer de les limiter à l’avenir. La préparation de la réponse opérationnelle se traduit par deux aspects : la multiplication des exercices et la redondance des réseaux. En multipliant les exercices de grande ampleur, c’est-à-dire en simulant une crise majeure impliquant la coopération entre plusieurs acteurs (publics comme privés). Ces derniers seront plus à même de travailler ensemble en cas de crise car ils auront développé une culture commune de l’adaptation. En parallèle de cette réponse, il est nécessaire de développer une redondance des réseaux pour combler une éventuelle interruption. Elle se traduit par la prévision d’itinéraires secondaires, la distribution de clés 4G, de groupes électrogènes, etc. Ces mesures, efficaces sur le court terme, deviennent plus complexe à maintenir dans le temps en cas de crise prolongée.

Au-delà de la capacité de réaction aux crises, les pouvoirs publics doivent essayer d’atténuer les risques futurs. Cela se traduit par trois aspects :

  • Renforcement des connaissances
  • Partenariat entre les acteurs
  • Leadership de l’échelon local

Il convient de partager les problématiques et les connaissances des réseaux entre les acteurs impliqués afin qu’ils puissent prendre des décisions en toute connaissance de cause. Dans cet objectif, une cartographie identifiant les interdépendances réseaux est un outil indispensable pour appréhender au mieux le territoire. Les acteurs doivent également se projeter dans le temps long en imaginant le climat de demain pour prévoir les infrastructures adéquates. Pour aider dans ces réflexions, et dans la mise en place des mesures qui peuvent en être issues, le soutien de l’État de ses services est indispensable. Cependant, ce partenariat ne doit pas déposséder l’échelon local de tout pouvoir, il doit prendre la forme d’un dialogue. L’échelon local doit rester chef de file du fait de ses connaissances du territoire, des besoins, des risques et des interdépendances réseaux.

Pour aller plus loin

« Risques climatiques, réseaux et interdépendances : le temps d’agir » – Note n°108 – Claire Rais Assa, Anne Faure, Maxime Gérardin – France Stratégie – Mai 2022 – Lien

Auteur : Clément KAROUBI