À l’origine, la catastrophe de Seveso

Le 10 juillet 1976 à Meda, un nuage d’herbicide contenant des substances toxiques, dont de la dioxine, s’échappe d’une usine pendant près de 20 minutes. À cette époque, il n’y a pas de plans d’urgence prévus, les maires des communes impactées sont prévenus et le travail est repris à l’usine quelques jours après. S’il n’y a pas de décès directement liés à cet événement, les conséquences sanitaires et climatiques sont importantes. Sept communes sont impactées et environ 358 hectares contaminés : des habitants sont atteints de chloracné (une gangrène nécessitant une hospitalisation), la flore est marquée (les feuilles jaunissent, etc.), environ 3 000 animaux domestiques meurent, 77 000 têtes de bétails sont abattues et ont constate une nette augmentation des cancers et des malformations foetales.

Cet incident a poussé l’Union Européenne à mettre sur pied une politique commune pour prévenir les risques industriels majeurs. Le 24 juin 1982, la directive SEVESO, du nom d’une commune particulièrement impactée, voit le jour et impose aux États membres d’identifier les sites industriels dangereux, déterminés par la présence et quantité de matières dangereuses listées au sein de la directive, et de prendre des mesures nécessaires pour les limiter et y faire face.

Image par Jürgen de Pixabay

La directive SEVESO

Depuis 1982 la directive a été modifiée deux fois, la dernière mise à jour, SEVESO3, datant de 2012. Leur champ a été étendu au fur et à mesure des événements et des évolutions politiques. En effet, en 1982 SEVESO1 impose le recensement des sites dangereux et la prise de mesures pour protéger l’environnement. Les évolutions vont chercher à mieux anticiper les risques et surtout impliquer la population en l’informant dans un premier temps et en lui donnant une place dans le processus de décisionnel dans un second temps.

On distingue aujourd’hui deux catégories de site Seveso : les seuils hauts et les seuils bas. Ils sont déterminés par la capacité de stockage maximale des matières dangereuses. Le seuil déterminera les mesures à prendre. En 2021, la France comptait 1 302 établissements Seveso dont 691 seuil haut et 611 seuil bas. Il peut s’agir d’usines chimiques, de raffineries, de dépôts d’explosifs, etc.

Direction Générale de la Prévention des Risques – Ministère de l’Écologie

À titre d’exemple, un site Seveso devra obligatoirement réaliser une étude des dangers liés à l’exploitation du site. Les seuils hauts devront réactualiser cette étude tous les cinq ans et élaborer un plan d’urgence d’interne et externe pour limiter les conséquences d’un accident. Ces plans se traduisent notamment par le plan d’opération interne (POI) et le plan particulier d’intervention (PPI) pour informer les populations du risque. Le POI détermine l’organisation et les moyens mis en place pour minimiser les conséquences d’un accident majeur. Pour ce faire, il contient les modalités de détection des accidents, les moyens et l’organisation pour limiter ou supprimer l’accident et pour contrôler ses conséquences et enfin une étude des sites probablement impactés en cas d’extension de l’accident.

L’étude sert de base pour une prévention des risques efficaces. Elle doit permettre d’identifier la source des risques et les différents scénarios possibles, avec les conséquences et les probabilités. Elle peut être complétée par une étude réalisée par un tiers indépendant, sur demande du préfet. C’est elle qui orientera les mesures de réduction des risques.

Transposition dans le droit français

En 2003, suite à l’accident de l’usine AZF de 2001 à Toulouse, le Parlement adopte la loi “Risques” qui vise à prévenir les risques industriels et naturels. Elle repose sur quatre outils :

  • Maîtrise du risque à la source par l’exploitant
  • Maîtrise de l’urbanisation a proximité
  • Organisation des moyens de secours
  • Information du public

La maîtrise du risque à la source s’est traduite notamment par un renforcement de la réglementation, une nouvelle évaluation des risques et surtout un renforcement des inspections par les services de l’État. En ce qui concerne l’urbanisation, elle est contrôlée via le Plan de Prévention des Risques, qui va déterminer des contraintes et interdictions pour certaines zones et impacter les autres documents d’urbanismes, comme évoqué dans l’article “L’urbanisme face aux risques majeurs”. Enfin l’information au public se traduit par une plus grande transparence et facilité dans l’accès aux informations sur les sites industriels dangereux.

L’ensemble de ces mesures sont contrôlées par le préfet et ses services pour s’assurer que les populations exposées font face à un risque le plus limité. En 2019, on estimait qu’environ 2,5 millions de personnes vivaient à moins d’un kilomètre d’une installation classée Seveso. En comptant l’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen en 2019, on décompte sept accidents majeurs depuis 2000 sur les sites Seveso.

Christian Sommade, délégué général du Haut Comité Français pour la Résilience Nationale, a réalisé une interview sur Europe 1 le 7 août 2022 au sujet des incidents sur les sites Seveso. Il précise que le risque est globalement maîtrisé et vient détailler les mesures de précaution. Retrouvez l’interview (5 min) en cliquant ici.

Clément KAROUBI

Pour en savoir plus

“Risques technologiques : la directive Seveso et la loi Risques” – Ministère de la Transition Écologique – Lien

“Plans particuliers d’intervention” – Direction Générale de la Prévention des Risques – Lien

“Les établissements Seveso” – Institut national de l’environnement industriel et des risques – Lien