Gestion de crise et outils numériques : Cannes sélectionnée pour expérimenter la plateforme PUMA-X

En septembre, la commune de Cannes annonçait avoir été sélectionnée pour expérimenter PUMA-X, une plateforme innovante de gestion des risques et des crises. Lancé en 2021, le projet devrait être opérationnel et commercialisé début 2024. Cannes, une ville pionnière en matière de prévention et de gestion des risques, servira de commune pilote pour tester la plateforme en conditions réelles. 

Son maire, David Lisnard, a fait de l’amélioration de la résilience de la ville et de la sensibilisation de la population aux risques majeurs une priorité. Dès 2014, un plan municipal de prévention des risques majeurs avait été mis en place et une réserve communale de sécurité civile a été créée en janvier 2021. De nombreux exercices de préparation et de sensibilisation du public aux risques (inondation, tsunami, attentat, rupture de barrage, incendie etc.) sont également organisés. Cannes affiche ainsi pour objectif de se positionner comme référence en matière de résilience et de gestion des risques aux niveaux national et européen. La participation à l’expérimentation de PUMA-X s’inscrit pleinement dans cette ambition. 

Alors que les événements météorologiques majeurs sont amenés à se multiplier en raison du changement climatique, les collectivités sont confrontées à de nouveaux défis pour protéger leurs populations. Face à ces risques naturels, mais aussi face aux risques terroriste, industriel ou encore cyber, les technologies numériques s’avèrent des outils d’aide à la décision précieux en contexte de crise. 

PUMA-X, une plateforme innovante de gestion des risques et des crises

La Plateforme Universelle Multi-Alerte, désignée sous l’acronyme PUMA-X, est une solution innovante de gestion des risques et des crises. Le projet a été lancé par sept partenaires issus des secteurs de la sécurité/sûreté de la défense et de l’environnement, dont cinq PMEs (CII TELECOM, JANUA, PRYSM, IGO, J&P GEO), une entreprise référence (Predict Services) et un organisme de recherche (Université Côte d’Azur – IMREDD). Il est soutenu conjointement par l’Etat (au titre du Programme d’investissements d’avenir), les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie, et la Métropole Aix-Marseille Provence. Thales s’est aussi investi, en tant que référent expert, tout comme Bpi-France. Des acteurs publics et privés ont donc participé au financement des 3,8 millions d’euros d’investissements en recherche et développement nécessaires à son développement. La technologie est, en outre, co-labellisée par les pôles Safe Cluster et Aqua-Valley.

L’apport majeur de PUMA-X est la centralisation sur une même interface de toutes les données indispensables à la prise de décision en contexte de crise. Mêlant données spatiales, intelligence artificielle et cartographie 3D, PUMA-X fournit un tableau global de la situation et de son évolution, mis à jour en temps réel. La communication entre tous les outils déjà à disposition des collectivités (campagnes d’envoi de messages de prévention, bulletins météo, géolocalisation des appels d’urgence, Plan Communal de Sauvegarde, prévision des mesures d’eau et de production électrique, caméras etc.) est ainsi facilitée. Un système d’information géographique 3D permet, en outre, de disposer de jumeaux numériques du territoire qui peuvent être couplés au plan communal de sauvegarde en version 3D dynamique. L’utilisateur peut décider du passage en mode crise manuellement. Le tout est accessible en ligne, via un cloud public sécurisé.

Capture d’écran d’une vidéo de démonstration de PUMA-X montrant la carte dynamique et le module caméra. 

Capture d’écran d’une vidéo de démonstration de PUMA-X montrant le suivi d’une campagne d’alerte

PUMA-X se veut une plateforme multirisques couvrant aussi bien les risques naturels que le risque d’attaque terroriste ou cyber. Elle affiche de nombreuses promesses : favoriser la communication et le partage de l’information entre les différents opérateurs, gagner du temps, prévenir plus efficacement la population, améliorer le déploiement des secours etc. Ainsi, la technologie veut fournir à l’utilisateur tous les éléments nécessaires à l’analyse de la situation, permettant ainsi une prise de décision rapide et une gestion de crise coordonnée et efficace.

Le développement de PUMA-X devrait être achevé à l’automne 2023 et sa commercialisation est envisagée pour début 2024. Destiné à la fois aux collectivités, aux grands comptes et aux acteurs de la sécurité, son coût sera calculé en fonction de la taille de l’utilisateur et des modules souscrits. Ce type de projet illustre le rôle central que peuvent jouer les technologies numériques dans la gestion des risques et des crises.

Vers un recours de plus en plus fréquent aux outils numériques pour la gestion de crise ?

Les outils numériques, s’ils ne remplacent pas l’humain, peuvent s’avérer des atouts précieux pour la gestion de crise. Un tel appui est d’autant plus important que la crise se caractérise par une dégradation des services qui peut notamment entraver la communication et le partage d’information, et donc la prise de décision. 

Depuis quelques années, une réflexion a par exemple été menée sur l’alerte automatique des populations en cas de catastrophe. La directive européenne du 11 décembre 2018 impose aux États membres d’adopter un système d’alerte des populations via les téléphones mobiles. La France s’est ainsi dotée du dispositif FR-ALERT, une technologie permettant de prévenir en temps réel tout individu disposant d’un téléphone portable de sa présence sur une zone de danger. Opérationnel depuis juin 2022, il permet  d’envoyer des informations non seulement sur la nature et la localisation du risque mais aussi sur l’évolution de la situation et de partager des consignes de protection. Puisqu’il repose sur la géolocalisation et les réseaux de télécommunications, il ne nécessite pas d’inscription préalable. Auparavant, des communes faisaient déjà appel à des prestataires tels que Predict pour les informer des risques en temps réel et ainsi faciliter la prise de décision.

La crise sanitaire du Covid-19 a une nouvelle fois démontré l’intérêt des outils numériques pour la gestion de crise. Un rapport du Sénat sur les outils numériques en contexte de crise sanitaire daté de juin 2021 cite par exemple le Safety Check de Facebook qui permet d’identifier et de localiser rapidement des personnes et d’évaluer leur état de santé. L’apport de ces technologies pourrait être considérable pour d’autres types de crises. Le groupe de sénateurs souligne notamment leur intérêt dans le cas des risques NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques) qui requièrent une réaction rapide.

Dans leur rapport, les parlementaires vont plus loin en suggérant la mise en place d’un Crisis Data Hub, “une plateforme sécurisée de collecte et d’échange de données dont l’unique fonction est de répondre aux situations de crise”. Inspirée du Health Data Hub réservé à la recherche, cette solution centraliserait des données numériques d’identification, de santé et de localisation. Ces données pourraient être débloquées par les pouvoirs publics uniquement en temps de crise, permettant ainsi une identification des personnes vulnérables et un ciblage plus fin de leur action. Les informations pourraient ensuite être partagées avec les acteurs concernés (par exemple les professionnels de santé en cas de crise sanitaire, les collectivités locales, la sécurité civile, voire les forces de l’ordre). Le rapport souligne en effet que les collectivités locales auraient bénéficié d’un accès facilité à un certain nombre de données dans le cadre de leur réponse à la pandémie. 

Schéma illustrant le fonctionnement du Crisis Data Hub, issu du rapport d’information n° 673 (2020-2021)

Les auteurs du rapport reconnaissent l’atteinte aux libertés qu’implique un recours de ce genre aux outils numériques. Il insiste néanmoins sur son caractère limité dans le temps et assume un certain compromis entre “perte en liberté numérique” et “gain en liberté physique”. Cette réflexion pose la question de la protection des données personnelles et numériques. Leur usage par les autorités, même en contexte de crise, fait l’objet de nombreux débats. 

Quoi qu’il en soit, la mobilisation d’outils numériques pour la gestion de crise semble amenée à s’accélérer. Ces technologies représentent une opportunité pour les collectivités locales qui feront face dans les prochaines années à une multiplication des risques liés au changement climatique. Les solutions telles que PUMA-X peuvent donc jouer un rôle majeur dans l’amélioration de leur résilience.

Karla Fontaine

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